Montagnes ardéchoises : art au sommet

Vite vite vite. Profitons du dé confinement pour partir cheminer le long de la ligne de partage des eaux en Haute Ardèche. Au passage,  on vit une aventure artistique totale en pleine nature, avec fleurs et vues à 360° à vivre à pied, en vélo, à cheval ou en voiture.  

L’idée est lumineuse. Et la réalisation ne l’est pas moins. Imaginez 6 œuvres d’art. Plus ou moins monumentales, elles ont été créées in situ, en plein cœur des hauts plateaux du Parc des Monts d’Ardèche, sur la ligne de partage des eaux, entre Méditerranée et Atlantique. Celle-ci suit grosso modo le GR7, qui traverse la France des Vosges aux Pyrénées Orientales. Dans la montagne ardéchoise, il chemine sur les crêtes, croise des sucs (5 volcans en forme de dômes), des lacs, villages et rivières. Les habitants y sont peu nombreux, mais ils vivent avec conviction sur le « Plateau », comme ils l’appellent. C’est ici aussi, sur cette haute terre, aux hivers rigoureux et aux étés lumineux, que la Loire prend sa source, à deux pas du Mont Gerbier de Jonc (1553 m), un ancien volcan de 10 à 5 millions d’années. Un lieu mythique s’il en est.  Ajoutez à cela des prés couverts de fleurs multicolores à perte de vue, dans lesquels paissent tranquillement des troupeaux de vaches, des vues à couper le souffle et on n’est pas loin, certains jours de printemps ou d’été, de s’imaginer au paradis. « C’est une sorte de balcon paysagé, un lieu magnifique », explique David Moinard, fondateur de l’atelier Delta et enthousiaste directeur artistique du  parcours artistique. Il l’a inauguré en juillet 2017, en écho à la grotte Chauvet 2 et à ses peintures rupestres. « J’ai sillonné le parc pendant un an, pour repérer les lieux adéquats où poser les œuvres », explique-t-il. Puis j’ai choisi chaque artiste en fonction des sites en mêlant les générations et les nationalités ». De quoi multiplier les regards sur ce territoire, dans un bel équilibre générationnel et culturel. 

Le circuit 

Le circuit peut débuter par le nord, à partir du haut du village de Saint Agrève. C’est là que le jeune atelier de paysage « Il Y A » et le paysagiste et jardinier Gilles Clément, avec qui David Moinard, a fait un premier repérage, ont  posé l’une des six « mires », qui émaillent le tracé. Ce dispositif, une échelle, surmontée d’un cadre de visée, inspiré des techniques de relevé des géomètres, permet d’admirer les points de vue uniques depuis des sites en belvédère. Sur le parcours, le designer Eric Benqué a aussi imaginé, des bancs, plateformes et autre abri en châtaignier, essence locale par excellence et ressource d’avenir. Mais il n’est pas encore temps de s’y  poser ou s’y reposer. Pour l’instant, partons  cap au sud,  vers Le Bage. C’est là, dans un creux près de l’eau que les Chartreux ont fondée en 1156, la chartreuse de Bonnefoy. Le site en ruine a inspiré à l’artiste Stéphane Thidet , « De l’autre côté ». Une belle œuvre  composée de sept miroirs sérigraphiés, enchâssés dans la façade du portique d’entrée du XVIIIe siècle. Elle  joue joliment avec la lumière fluctuante et le paysage. Le Gr7 chemine ensuite vers les sources de la Loire et le Mont Gerbier-de-Jonc. La pente est rude mais courte -pas plus d’une demi-heure-  au bout desquels tout visiteur est récompensé par la vue époustouflante à 360 degrés. Par beau temps, on voit même jusqu’aux Alpes et au Ventoux.  A côté du départ du sentier, sur les murs de la maison de site, près des trois sources de la Loire, une des trois plaques émaillées d’Olivier Leroi, axée sur le fleuve, son parcours et la faune locale. L’artiste a aussi réalisé un film de 8 heures sur la Loire, de sa source à son embouchure (à voir dans la maison de site). Ensuite on repart vers la ferme de Bourlatier toute proche, qui date du XVIIe siècle et qui se visite. Juste au-dessus dans le virage à droite, sur le GR7, il y a  la « Tour à eau » du paysagiste, botaniste, biologiste Gilles Clément, dont la forme évoque un phare. Celui-ci l’a imaginée après avoir gravi le Mont et perçu un suintement régulier dans la roche, malgré la sécheresse. Il imagine alors que le Mont Gerbier-de-Jonc fonctionne en partie comme une « tour à eau », ces pièges à eau qui captent la condensation de la vapeur d’eau des nuages dans les régions désertiques. L’hypothèse de Gilles Clément ?  Et si la Loire, en plus de son long chemin jusqu’à l’Atlantique, se jetait aussi dans la Méditerranée ? 

Ce n’est pas à  l’abbaye cistercienne de Mazan que l’on pourra le vérifier. Mais par contre, c’est  sur ces vestiges remarquables du XII° siècle (cloître roman, abbatiale, bâtiments des convers, tour carrée, réfectoire et église néo-romane avec de superbes vitraux), que Felice Varini, a posé une œuvre captant les variations de la lumière. Pour la voir, il faut quitter le GR7 pour un petit crochet  d’une heure trente environ. Le jeu en vaut vraiment la chandelle. Imaginez, au détour d’un virage,  en contrebas, l’abbaye dont les toits, les murs, l’auberge et les anciennes fortifications sont couronnés de cercles dorés, scintillants au soleil. Très poétique. Le parcours passe ensuite près du « Phare » de Gloria Friedmann. L’objet bleu, massif  est posé en surplomb de la vallée très encaissée de la Borne. II abrite une bibliothèque sur le biotope du phare, la biodiversité des environs, des romans et essais sur l’eau, des cartes. De quoi tenir le siège depuis l’étage d’observation avec sa vue exceptionnelle sur les bassins versants Atlantique et Méditerranée.  C’est aussi la seule œuvre qui se mérite, car elle est accessible uniquement à pied depuis le GR7. Comptez 2H30 de randonnée aller-retour – difficulté moyenne-. 

Il est pourtant temps de repartir pour une pause avant de se diriger vers l’abbaye Notre dame des Neiges. Fondée en 1850 près de Saint Laurent les Bains, elle est perchée à 1000 mètres d’altitude, sur les hauts plateaux du Vivarais. L’artiste japonais Koîchi Kurita y a réalisé en 2018, « Terre et Loire » : environ sept cent coupelles renfermant chacune un échantillon de terre, dont la variété de couleur est infini, sont posées sur une carte de la Loire et de ses affluents, dessinée sur le sol des anciens chais. Ceux-ci ont été prélevés le long de la ligne de partage des eaux. Unique, comme ce parcours artistique.

Le parcours

Le  parcours d’une centaine de kilomètres est réalisable à pied en 5 à 8 jours, à vélo, à cheval ou en voiture (comptez 2 jours). Avant de partir, pensez à  télécharger « Géopoetic society », une œuvre immatérielle sous forme de GPS. Réalisée par Anne de Sterk, Frédéric Dumond et Eric Watt, trois artistes, elle accompagne les visiteurs d’une œuvre à l’autre, en lui racontant le paysage et ce que l’on voit ou ne voit pas. 

Pour plus d’informations sur les étapes et hébergements à proximité : http://www.destination-parc-monts-ardeche.fr/itinerance/le-partage-des-eaux/   Et aussi l’application Rando Ardèche, téléchargeable sur mobile pour être guidé pendant toute l’itinérance. Le long du parcours, entre 20 et 40 kilomètres séparent une œuvre de l’autre. 

A ne pas manquer au passage :

-Ferme de Bourlatier, une ferme patrimoniale : exposition « Au fil de l’eau  », une exposition d’art contemporain sur la fragilité de notre planète, du 5 juin au 31 octobre. Et aussi « D’émois en Emaux », des céramistes et verriers qui métamorphosent les roches d’Ardèche, du 3 juillet au 5 septembre. 

Ferme de Bourlatier, Tél 04 75 38 84 90. Horaires d’ouverture, tarifs et renseignements sur www.bourlatier.fr

D122 – 07450 Sagnes-et-Goudoulet

-Visiter une authentique chaumière : 

Sur la départementale 116 à droite, juste avant l’auberge de Bachasson, en allant vers Sainte Eulalie, vous verrez la ferme Philip. Unique sur le plateau, elle a été construite en 1530 et est avec sa  double habitation,  un exemple remarquable de ce que pouvait être la vie sur le plateau ardéchois jusque dans les années 60. C’est d’autant plus émouvant que c’est l’un des deux frères Chareyre, qui y est né et y a habité avec ses parents, dans la pièce unique jouxté par l’étable, qui vous la fera visiter s’il est disponible. C’est son frère, maçon, charpentier, lauzeur et piqueur de genêts, comme ses parents et grands-parents, qui répare chaque année  les 600 mètres de toiture en genêt. L’opération périlleuse prend au minimum un mois. Tél. : 06 86 56 94 45. chareyrejeanne@gmail.com

Ou Léon Chareyre : O4 75 38 89 78    

– Le Tchier de Borée. Cette  installation artistique réalisée par Serge Boyer et Fabienne Versé, sculpteurs contemporains, est en dehors du parcours artistique, mais vaut le détour. Il y a là 70 pierres dressées en cercle et gravées d’une pensée fondatrice des philosophies, face au village de Borée et aux monts Mézenc et Gerbier-de-Jonc. C’est superbe.www.les-boyer-sculpteurs.com  

Carnet de route 

Y aller de Sète

Train jusqu’à Valence, puis location de voiture ou auto stop.
En voiture 2h de Sète. 

Se loger et manger 

Accueil chaleureux et bœuf « Fin Gras » du Mézenc, une AOP locale, à l’hôtel Beauséjour chez Nicolas et Céline Vernet. Lui est  éleveur et on aperçoit ses vaches qui paissent tranquillement au pied du restaurant, ouvert uniquement le soir. Aux manettes, sa femme Céline, membre des Toqués d’Ardèche, une association qui réunit des cuisiniers locaux talentueux. Si vous êtes sympa, Nicolas vous expliquera tout sur le Fin Gras. Hôtel –restaurant Beauséjour, Le Béage, route du Lac. Tél. : 04 75 38 85 02.

 Auberge du Bez à Borne, au départ du chemin qui mène à  l’œuvre « le Phare, chambres refaites à partir de 50 euros et cuisine traditionnelle. www.aubergedubez.com

La ferme de Suchasson (maison d’hôtes) : bon accueil et bonne table dans une ferme du XVIIe siècle tenue par Claire et Pierre, paysan en agriculture bio. Chambre pour 2 personnes à partir de 72 euros, petit dejeuner compris. A 9 kilomètres du Mont-Gerbier de Jonc à Sagnes et Goudoulet  www.suchasson.fr 

Et aussi l’Auberge Chanéac : l’autre table de terroir de Sagnes et Goudoulet. www.auberge-chaneac.fr 

Auberge de la Besse : cuisine de tradition à Usclades et Rieutord. Tél./ 04 75 38 80 64. 

-Hôtel du Levant. Plus bas en redescendant vers la vallée,  on peut faire un petit stop au restaurant gastro de  l’hôtel du Levant à Neyrac les Bains, tenu par Claude Brioule et son frère Alain. C’est  la sixième génération à y travailler et la septième à y habiter.  A midi menu bistrot à 13 euros.

Tél. : 04 75 36 41 07.

-Quinte&sens 

Chambre d’hôte atypique au fin fond d’un petit chemin tortueux au-dessus de Barnas. Accueil exceptionnel de Magali, cuisinière et bavarde hors pair et de son mari Patrick. C’est elle qui organise des séjours à thème : aromathérapie,  champignons, sorties en  chiens de traineau, « cani randos », il y en a pour tous les goûts.  Tandis que son mari, restaure la vieille bâtisse depuis 2012 avec des bénévoles. Ici seuls le chanvre, la chaux et les enduits à la terre sont de mise. Demander la chambre avec la petite terrasse. 

Quinte &Sens. Le Bardy- Barnas. 78 euros avec le petit déjeuner. Repas sur réservation. Tél. : 06 86 63 35 03. www.chambrehotesardeche.com