De la Figuration Libre à l’âge d’or de la peinture hollandaise, cela peut sembler un paradoxe dit comme ça, mais pour avoir la preuve en image, il suffit de grimper la pente pour arriver au musée Paul Valéry et visiter la rétrospective François Boisrond, peintre humble et discret, qui a fait ses premières armes au sein du mouvement de la Figuration Libre, dont les deux têtes de pont sont les Sètois Hervé Di Rosa et Robert Combas.
François Boisrond est né en 1959 à Paris ; à 19 ans, il rencontre les deux Sétois à l’Ecole des Arts Appliqués. Le mouvement FL est né. La première salle, très caractéristique de cette époque, rassemble de beaux exemplaires. Le dessin, proche de la BD, est stylisé, coloré, sans perspective. Deux tableaux retiennent l’attention : un bel auto-portrait qui tire sa force de la sobriété du trait et un triptyque, sans titre, mais très éloquent. Sur la partie gauche, Madame tourne le dos l’air renfrogné, façon « quand c’est non c’est non », Monsieur, exaspéré, lit obstinément. Ça sent le couple qui roucoule ! Le volet du milieu rassemble les choses pointues qui parsèment l’existence, sous l’œil bonhomme de Popeye et l’air pincé d’Olive. Dans le dernier panneau, Monsieur s’est fait la belle, il rêve d’horizons lointains en musique. Tranche de vie plus amère que douce.
L’artiste semble très critique du monde de l’art. Il n’est clairement pas un thuriféraire du supermarché qu’est la Fiac. Des toiles très drôles montrent en surplomb des cages à lapins à plafond ouvert et la foule qui se presse devant ce qui semble des gribouillis. Le tableau qui représente un vernissage est lui aussi éloquent. Les invités se massent autour du buffet, et les cimaises sont abandonnées. L’art n’est ni une marchandise, ni une mode ni un snobisme. C’est la vie. Il dézingue, dans un tableau drôlatique, l’émission culte « Le juste prix ». L’artiste n’est pas hors du monde, mais fait partie intégrante de la société. La preuve par la démonstration : François Boisrond a installé ses boîtes à peinture, ses pinceaux, son chevalet, ses machines, son fauteuil favori ( un club en cuir rouge où il peut réfléchir tout à loisir), dans une salle du musée. Il y travaillera en juillet, en septembre et en public.
Au fil des années, le style du peintre évolue vers ce qui semble être plus de classicisme ; en fait, la modernité n’est pas loin. Pour aboutir à ce dépouillement apparent, il utilise des techniques de cinéma ainsi que l’ordinateur. Il s’intéresse à Gilles, le Pierrot énigmatique de Watteau. Il le décline dans des situations cocasses, le dédouble, l’entoure de petits démons ou gnomes. Son déjeuner sur l’herbe reprend en apparence les codes de l’original. Grâce à une superposition des images, un jeu de répons s’établit, entre hier et aujourd’hui.
Toutes ces dernières années, François Boisrond a travaillé sur la lumière à l’instar d’un Georges de La Tour ou d’un Rembrandt. Sa » Blandine (au rotofil) », sa « Madeleine à l’autoportrait », ou encore « Le Reniement de saint Pierre » sont illuminés de l’intérieur. Leur composition rappelle les grandes toiles classiques du XVIIe, mais les sujets sont résolument modernes. Blandine, hiératique, brandit un rotofil en lieu et place d’un étendard.
En 1995, l’artiste déclarait : « Je vais au Louvre comme si j’allais à la messe. J’en ressors plein de foi pour me mettre au travail humblement. » Et le résultat est là, emballant.
Fermé le lundi. Prix et horaires sur le site du musée : https://museepaulvalery-sete.fr/informations/