Humains, merlans et sardines sont sur le même bateau…

anchois. ©xm

Surpêche ou pas surpêche, les chalutiers du golfe du Lion sont dans une situation difficile. En effet, une bonne moitié d’entre eux vivaient il y a 20 ans de la pêche aux poissons bleus, l’anchois et la sardine. Et cette activité s’est effondrée : en quelques années on est passé, à Sète, de vingt à un ou deux bateaux qui pratiquent le chalut pélagique. L’effort de pêche s’est alors reporté sur les espèces des fonds ou vivant proche des fonds et notamment le merlu (Merluccius merluccius) appelé merlan en Méditerranée. La conséquence est que le merlan subit une pression trop importante, et les mesures préconisées pourraient mettre en danger plusieurs entreprises de pêche.

Les pêcheurs ne pêchent presque plus de sardines dans le golfe du Lion car à partir de 2009, il leur est devenu impossible de trouver des sardines de tailles commerciales. Les travaux de l’IFREMER, en partenariat avec les chalutiers, ont montré que ce n’est pas le nombre d’individus qui baisse mais leur taille. D’une taille moyenne de 15cm, les sardines sont passées à 11cm et la biomasse de près de 200 000 tonnes à moins de 67 000 tonnes en quelques années. Les travaux de Claire Saraux indiquent que le principal facteur d’explication serait un changement du plancton. Cette multitude de végétaux et d’animaux constitue la base des écosystèmes marins et sa richesse dépend très largement des apports des fleuves. C’est donc ici très probablement le Rhône qui est en cause. L’alimentation des sardines est devenue moins efficace : elles sont plus vulnérables, moins grasses et vivent moins longtemps. Les études scientifiques tendent à démontrer que la stratégie des sardines consiste, dans cette situation de stress, à orienter en priorité leur énergie vers la reproduction, plutôt que vers la croissance. Ainsi la population se maintient, voire peut augmenter en nombre d’individus, mais les pêcheurs et les consommateurs ne trouvent plus de ces délicieux petits poissons bleus.
Pour le merlu, le problème est différent. La mortalité par pêche semble être trop élevée pour assurer une gestion durable du stock. L’une des manifestations de cette surexploitation, déjà ancienne, mais renforcée par la fin de la pêche au poisson bleu, est la diminution de la taille des merlus capturés. De très nombreux juvéniles sont capturés, alors que la taille minimale de capture (20cm) est bien inférieure à la taille de maturité sexuelle (autour de 30cm). Et cette taille minimale n’est même pas respectée ! En mai dernier, l’association France Nature Environnement (FNE) a porté plainte contre la criée d’Agde et 6 chalutiers pour avoir mis en vente des merlans sous-taille (10 à 12 cm lors du contrôle de la gendarmerie maritime à la base de la plainte de FNE). Dans son communiqué, l’Association rappelle que « les pêcheurs sont les premiers intéressés par la préservation » et qu’une « régulation collective et planifiée permet de gérer durablement la ressource ».

Aujourd’hui pour le merlu de Méditerranée occidentale, les outils mis en œuvre, en dehors de la taille minimale de capture, sont la réduction du nombre de jours de pêche par bateau et le développement de zones où la pêche est (temporairement ou non) interdite pour les chalutiers. La mise en place de quotas de captures pour cette pêche semble inadaptée car le chalut de fond capturent en même temps merlus, poulpes, baudroies ou rougets et plus d’une centaine d’autres espèces.

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La pêche doit être vue comme un système, où interviennent des facteurs humains et non-humains. Etudier un stock de poisson nécessite d’étudier les caractéristiques des espèces, la structure de leur population, leurs interactions… C’est la meilleure compréhension des mécanismes qui permet de mettre en place une gestion efficace. Si le stock de merlu est principalement mis en danger par la surpêche, il faut agir sur ce facteur. Mais on a vu ici que la source d’une partie du problème réside dans le report des chalutiers pélagiques vers le chalut de fond dans les années 2010. Or, ce changement est induit par une transformation du plancton. On se trouve alors face à un nouveau problème : il semble bien plus difficile de résoudre les problèmes du changement global et de la qualité de l’eau, que de réduire la pression de pêche.