Le 3 janvier dernier, des entreprises se sont présentées sur la place Aristide Briand pour démarrer les travaux de démolition prévus avant la construction du nouveau parking souterrain de 300 places, décidée par la Mairie. Parfaitement illégal, clame le collectif Bancs Publics qui a saisi la justice pour demander la suspension des travaux.
Où iront se répandre les eaux souterraines et d’infiltration du Saint Clair qui affleurent à 6,5 mètres au-dessous de la place Aristide Briand, au cœur de Sète, une fois que les ouvriers qui vont construire le parking souterrain de 300 places les auront pompées au rythme d’une piscine olympique par jour et auront coulé des tonnes de béton ? C’est l’une des nombreuses questions que se pose le collectif Bancs Publics, constitué en association fin octobre dernier. Depuis, il lutte pour que ce projet aberrant, dont les travaux doivent démarrer le 10 janvier pour deux ans et demi minimum, comme l’a annoncé par voix de presse la Mairie en octobre dernier, ne voie jamais le jour. Et les arguments ne manquent pas. Le parking, au coût exorbitant, n’a en effet fait l’objet d’aucune enquête publique, ni de consultation des riverains et usagers. Ceux-ci, pour la plupart vent debout contre le projet, n’ont été mis devant le fait accompli que le 3 décembre dernier, lors d’une réunion publique houleuse qui s’est tenue en présence du maire, au cinéma le Comœdia. Depuis, 7000 signatures contre le parking ont déjà été recueillies et Bancs publics a posé un référé le 25 décembre dernier auprès du tribunal administratif de Montpellier.
De quoi, espère Bancs publics, stopper net la construction du parking, lancée sans aucune autorisation de modification des aménagements de surface, ni permis de construire. Celui-ci a été déposé le 11 août dernier à la mairie avec au départ un délai d’instruction de 5 mois, qui a finalement été repoussé jusqu’à début avril.
« De plus, le permis ne porte que sur la construction du parking, mais pas sur la démolition et reconstruction de la place qui a pourtant commencé début janvier » a constaté François Piettre, membre du collectif, lors de la conférence de presse qui s’est tenue au Comœdia le 5 janvier dernier. «Une situation problématique juridiquement car pour démonter, il faut des autorisations et un permis de démolir ».
Finis l’ombre bienheureuse des arbres, le kiosque, les jeux d’enfants, les petites boutiques, le manège et les forains : si le parking est construit, la place risque d’être défigurée à jamais.
Pourtant, dès le 3 janvier, des entreprises privées mandatées par la municipalité ont débarqué sur la place. Bien décidées à mettre en place l’éclairage pour le chantier et démonter le mobilier urbain. Mais, face à la détermination des opposants de Bancs Publics, qui ne les ont pas quittés d’une semelle, ils ont finalement dû déclarer forfait. Non sans avoir au préalable réussi à couper l’éclairage du kiosque. Presque un moindre mal, au vu de ce qui attend la place si les travaux démarrent. Car le projet implique la destruction totale de ce cœur battant de la ville. La fontaine, les bancs, le manège et les commerces installés sur la place ainsi que le kiosque offert à la ville en 1892 par le négociant mélomane Johan Franke, doivent être démontés. 50 des 76 arbres qui pourraient atteindre à terme 28 mètres de haut devraient également, si la procédure engagée n’aboutit pas, être arrachés et replantés ailleurs dans la ville. Avec fort peu de chance de survie pour des arbres d’une telle taille.
La mairie affirme le contraire et promet dans le dernier bulletin municipal de replanter des arbres sur la place Aristide Briand. Un pur mensonge, selon François Piettre. « Les plans du parking remis aux entreprises montrent clairement qu’aucune réservation pour laisser passer les racines n’est prévue aux deux niveaux de stationnement, explique-t-il. Or aucun arbre de haute tige ne peut se développer en pot ».
Des arbres pourtant protégés par le PLU
Pour l’instant les tilleuls argentés, plantés en pleine terre en 2016 et 2017 pour remplacer les platanes malades et assurer la fraîcheur au sol, sont encore fièrement debout. Ils sont protégés par leur classement au Plan local d’urbanisme (PLU) comme « arbres remarquables à conserver sans aucune modification ou altération ». Et il faudrait modifier le PLU pour pouvoir les déraciner. Mais comme rien n’est sûr dans cette affaire, 70 citoyens, enfants et personnalités, comme le photographe Yann Arthus-Bertrand, la comédienne Cécile Bois, les rappeurs Demi Portion et Petit kopeck, mais aussi Bruno Solo, Denis Lavant, Lydie Salvayre ont décidé de les parrainer. Beaucoup se sont fait photographier devant les arbres. Samedi dernier, Bancs Publics a également mobilisé, comme chaque samedi depuis 12 semaines, environ 200 personnes pour un forum citoyen autour du kiosque. Ils ont notamment expliqué aux passants les enjeux environnementaux et sociaux du projet.
Pour qui et pourquoi construire un parking souterrain de 300 places, qui va drainer les voitures en plein centre-ville, se sont-ils demandé. Surtout quand on sait que près de 1000 places de parking restent inoccupées chaque jour (hors mois de juillet et d’août), comme le collectif a pu le mesurer en effectuant des relevés quotidiens. « C’est une aberration écologique, économique et sociale, en totale contradiction avec le Schéma de cohérence territoriale (Scott), le Plan local d’urbanisme (PLU) et le Plan d’aménagement et de développement durable (PADD) qui préconise de diminuer l’emprise de la voiture en ville », ont-ils expliqué. Sans parler des nombreuses impossibilités techniques du projet. Ainsi, sur les plans soumis aux entreprises, aucune sortie pour le parking n’est prévue. Visiblement la municipalité hésite et ne sait pas encore par où les faire passer. Même flou « artistique » sur le trajet des eaux qui descendent du Saint Clair. Où iront-elles ? Nul ne peut l’expliquer, mais ce qui est sûr, d’après François Piettre, « c’est que l’on ne peut pas modifier un écosystème aussi particulier sans que cela ait des conséquences graves ».
Autre question : le kiosque très fragile pourra-t-il être remonté ? Rien de moins sûr, selon les experts consultés par Bancs Publics. Sans parler des répercussions du trafic sur les étroites rues adjacentes et du prix élevé à payer pour se garer. Que dire aussi de la Mairie qui revendique la proximité de son plan de ville avec celui vertueux de la ville de Pontavedra en Espagne, où tout le centre-ville est réservé aux piétons avec des parkings entièrement gratuits à l’extérieur ? Une affirmation honteuse, car c’est exactement le contraire de ce qui est réalisé à Sète depuis 15 ans, s’énerve Bancs Publics. « Là où Attila passe, les tilleuls s’escagassent», affichait un militant. « Attila » vous l’aurez compris c’est le maire. Un trait d’humour grinçant qui résume bien la situation.