Que peut bien représenter le 8 mars pour la Mairie de Sète ? Exposition surréaliste à ciel ouvert, rue du 11 Novembre, sur les femmes dans notre ville.
Annoncée à grand renfort d’affiches, précisant bien et en gros caractères que l’entrée est libre (A quand un octroi rue du 11 Novembre ?), la dite exposition regroupe cinq panneaux, pas un de plus, retraçant a minima la vie des femmes à Sète. Les poissonnières, bien sûr, les hommes vont à la pêche et les femmes le vendent en criant comme des harengères (nom dérivé de hareng). Les femmes vont porter leur casse-croûte aux hommes qui travaillent, portent le charbon sur leur tête, créent le commerce des tielles (Adrienne Virduci). Certaines deviennent ostréicultrices au hasard d’un veuvage (Julie Bascou). Madame Roux, sans prénom, est gardienne de phare auxiliaire au phare de Saint-Clair. Plus intéressant, nous apprenons que deux sœurs étaient jouteuses, Elise et Anna Sellier. Elles se sont affrontées le 30 août 1891. C’est Anna qui a gagné.
Aglae Adanson a écrit le premier traité d’horticulture écrit par une femme. N’oublions pas la Begum alias Yvette Labrousse, fleuron de la beauté sétoise. Un panneau est consacré aux bains de mer ; comme une évidence, les «dames » emmènent leurs enfants à la plage. Les hommes doivent être au café.
On y apprend que le premier établissement de bains de mer en Méditerranée pour personnes démunies a été créé à Sète en 1846 par Coraly Hinsch. L’intérêt de cette femme va bien au-delà des bains de mer. Protestante, prédicatrice laïque, elle fonde sa propre communauté qu’elle prénomme Eglise évangéliste qui a des ramifications à Nîmes et au Vigan entre autres. Selon ses préceptes, son neveu ouvre à Nîmes une maison destinées aux jeunes filles abandonnées ou orphelines et un pensionnat de jeunes filles. La communauté hinschiste défend des thèses pacifistes.
Mais rien des autres femmes, celles qui font la vie de tous les jours, qui se battent pour que la vie soit meilleure. C’était une belle occasion pour mettre en avant des associations, créées et voulues par des femmes, telles que « Femmes du Soleil », qui crée un lien avec les cultures d’origine et rappelle de fait, opportunément, que Sète s’est construite, strate après strate, grâce à l’immigration. C’était l’occasion de rappeler que des femmes se sont battues contre l’occupant nazi. Comme ailleurs, on a perdu leur trace. De cette période de sinistre mémoire, on garde le souvenir de trois femmes, Marie-Louise Cippola, Henriette Lalande et Marie-Antoinette Bonnieu, déportées ensemble à Buchenwald, revenues ensemble ; elles n’ont jamais cessé de militer à leur retour. Des personnalités qui n’ont pas baissé les bras devant les nazis. Pour les autres, elles ont lutté dans l’anonymat. Surnage une manifestation devant la mairie, casseroles à la main, pour demander du pain. Elles ont chanté l’Internationale et ont eu gain de cause. Elles étaient agents de liaison, porteuses de tract, infirmières ou cantinières au gré des besoins. L’Histoire les a oubliées.
Si la toile de fond de cette pseudo exposition avait été de jolis tilleuls argentés, bourgeonnants, annonçant l’arrivée du printemps, personne ne se serait ému de sa pauvreté dans le fond et dans la forme. Mais les panneaux sont posés sur des grillages qui isolent du terrain vague qu’est devenue l’Esplanade. Un no man’s land de désolation et de désespérance. Avoir choisi ce site comme « galerie » à ciel ouvert ressemble bigrement, de la part de la Mairie, à une injure faite aux femmes et transcrit une morgue d’une grande banalité qui s’inscrit dans un mépris généralisé de la population.