A l’occasion de la grande exposition en faveur en faveur de SOS MEDITERRANEE, on republie l’article est paru dans le #6 , le dernier numéro de L’ancre papier, consacré aux migrations. Vous pouvez encore trouver cette édition du journal, toujours vendue à prix libre dans les librairies, et pas mal de lieux du centre-ville de Sète.
C’est en 2016 que l’aventure a commencé pour Edith et Jean Pierre Lacan. Fraîchement retraités et à la recherche d’engagements, ils rencontrent le sétois Erwan Follézou, pilote au port de Sète qui leur parle des missions de sauvetage de SOS Méditerranée, pour laquelle il est le référent maritime. Des groupes de bénévoles se forment sur le département pour créer une antenne Hérault, le couple frontignanais décide de faire un premier événement à Frontignan. « On a eu l’idée de diffuser au cinéma Mistral, le film de Jean Paul Mari, Les migrants ne savent pas nager, qui parle du sauvetage des pesrsonnes migrantes à bord de l’Aquarius, le premier navire de sauvetage de SOS Méditerranée. Le cinéma était plein ! Le groupe Sète-bassin de Thau s’est constitué à partir de là. » Au fil des mois ils écument tous les festivals du coin, avec leur stand aux couleurs bleus marine et blanche de SOS Méditerranée.
L’Ancre : Pourquoi cet engagement ?
J-P : Moi suis passionné par la Méditerranée, l’univers méditerranée me fait vibrer j’adore m’y balader, c ‘est l’histoire de nos civilisations, je considère que la mobilité et les échanges c’est la richesse de l’humanité. L’homme migre depuis les débuts de l’histoire de l’humanité et la Méditerranée a toujours été un lieu de passage et d’échanges. L’idée qu’elle puisse être aujourd’hui, le théâtre d’un chaos humanitaire avec autant de morts dans la partie centrale, je ne le supporte pas, c’est une atteinte grave à notre humanité. Des gens perdent la vie dans l’indifférence. C’est pour moi le produit de l’hostilité de la rive nord à l’égard de la rive sud comme une forme de barbarie…
Edith : On va informer le public des 3 missions de SOS Méditerranée : sauver, protéger et témoigner. On informe le jeune public dans les collèges, les lycées des missions de l’association avec des vidéos et témoignages.
J-P : Depuis 7 ans la structure a bien évolué. Il y a des antennes partout en France, en Bretagne les gens sont très mobilisés. C’est le refus de l’abjection qui motive tout le monde. L’espace maritime est un espace de solidarité quand un bâtiment s’engage en mer et qu’il est en difficulté, il y a ce devoir de lui porter secours et de débarquer l’équipage dans un port sûr. C’est inscrit dans le droit maritime qui n’est pas appliqué aujourd’hui.
L’Ancre : Quelle est la situation aujourd’hui ?
Il y a dix ans, c’était le drame du naufrage Lampédusa, 368 victimes en pleine nuit. Cela a été un choc truamtique en Italie où il y a une tradition du sauvetage très fort. Le pape c’était déplacé en disant plus jamais ça, et aujourd’hui, 10 ans après il était à Marseille pour dire la même chose, sauf que le chaos s’est aggravé. On en est à plus de 28 000 morts depuis 2014 en Méditerranée. Les ONG présentes ont du mal à agir, le gouvernement italien fait obstacle en éloignant les zones débarquements dans des ports très éloignés sur la côte italienne. En 2018 les gardes côte libyens ont été désignés responsables de la coordination des sauvetages sur une large zone internationale et ils ne font pas le job. Ils sont parfois violents à l’encontre des naufragés et des ONG présentes. On est dans une situation dégradée avec une multiplication des départs depuis la Tunisie sur des embarcations très fragiles.
L’Ancre : Ce qui choque les gens aussi c’est la France qui continue à donner de l’argent à la Libye afin qu’elle garde les migrants
La politique européenne aujourd’hui, c’est que les gens ne passent pas et d’aider les pays de départ à les empêcher de partir. L’UE, à travers des accords, finance ces états en leur donnant du matériel, des bateaux, et ce sont donc les libyens qui sont en charge d’intercepter les embarcations qui quittent les côtes dans les eaux internationales à l’approche de Malte.
Pareil avec la Tunisie, Meloni et Van der Leyen ont promis 200 millions d’euros au président tunisien pour stopper les départs de Tunisie. Mais cela n’empêche pas les nombreux départs et arrivées à Lampedusa actuellement.
Aujourd’hui l’argent européen permet aux gardes côte libyens d’intercepter en mer dans les eaux internationales des gens qui fuient la Libye pour les ramener là bas, c’est choquant. Je pense à la convention de Genève qui interdit le « push back » de personnes qui pourraient demander le droit d’asile et là on ne la respecte pas et on les repousse sur des frontières où ils sont en danger. Amnesty, le HCR*, ne considèrent pas la Libye comme un port sûr. On leur permet donc d’intercepter ces gens qui ensuite les réinjectent dans des réseaux de trafiquants.
*HCR: Haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies.
L’Ancre : L’impact sur les missions de SOS ?
On ne sait jamais comment les choses vont se passer avec les gardes côtes libyens. Quand ils agissent, ce sont dans des conditions pas du tout adaptées pour sauver des personnes en train de se noyer. Ils sont armés et les menacent. Nous, à l’approche d’une embarcation en difficulté, les marins sauveteurs distribuent des gilets de sauvetage, ils rassurent les personnes à bord, mettent en place des gros boudins flottant auxquels les naufragés peuvent s’aggripper si l’embarcation est en train de couler et une fois à bord ils sont nourris, soignés, on les accueille dignement, ce qui n’est pas du tout le cas des libyens. C’est de l’interception violente quand ce n’est pas des coups de feu sur les bateaux d’ONG. Notre navire l’Ocean Viking a essuyé plusieurs tirs au printemps dernier, devant nos marins sauveteurs. Ils tirent sur l’ambulance alors qu’à bord on a du personnel de la fédération internationale de croix rouge et du croissant rouge FICR et depuis sa création les conventions interdisent aux belligérants de tirer dessus.
Le décrêt loi promulgué par l’Italie en Janvier 2023 dit que dès un sauvetage réalisé nous devons sans attendre rejoindre le port désigné. Il nous est arrivé de sauver 68 personnes qu’on aurait pu garder à notre bord plusieurs jours et pratiquer d’autres sauvetages. On a dû se rendre directement au port d’Ancône très éloigné au nord, alors qu’on a la capacité d’accueillir plus de 300 personnes. On est donc moins efficaces et des gens disparaissent toujours plus en Méditerranée centrale entre la Libye et l’Italie. On nous accuse d’être complices des passeurs et responsables des flux migratoires. Ce discours est de plus en plus repris en France.
ESPOIR : la solidarité
On fait un premier sauvetage en 2016 et en 2023, on est toujours là car il y a une nécessité de faire du sauvetage mais c’est aussi parce qu’on a résisté et ce grâce à la mobilisation citoyenne. C’est parce qu’il y a un large pan de l’opinion qui nous est favorable et qui nous soutient financièrement qu’on existe encore.
Depuis mars 2017 SOS Méditerranée a sauvé 39 000 personnes
Le coût d’une journée en mer est de 24 000 euros, coût du carburant, de l’équipage du bateau Ocean Viking, 10 marins sauveteurs formés par SOS et des employés de la FICR (fédération internationale de la croix rouge et du croissant rouge).
90% du budget de l’association est financé par des dons des citoyen.ne.s.
10% par des subventions de collectivités territoriales : La région Occitanie soutient SOS depuis 2017. Le conseil départemental de l’Hérault, de l’Aude, des PO, de la Lozère et la ville de Montpellier allouent aussi chaque année une somme.
10% à 15% des sauvetages en Italie sont réalisés par des ONG, le reste sont gérés par les gardes-côtes italiens qui font face aux situations de naufrage à l’approche de Lampedusa et font du sauvetage en vertu du droit de la mer. Mais Meloni accuse les ONG d’être responsables de la venue de migrants et de trafics avec les passeurs.