Etang de Thau: pour la biodiversité, il y a urgence !

Pichiline.

La spécificité de notre littoral méditerranéen est d’être façonnée par un chapelet de lagunes, dont la beauté et la richesse biologique sont uniques. C’est une véritable frayère de nombreuses espèces présentes dans le Golfe du Lion, comme le loup, la dorade royale, la sole, le muge, le rouget. Mais l’étang de Thau, c’est aussi l’anguille et une profusion de coquillages « sauvages », c’est aussi bien sûr un bassin important de production d’huîtres et de moules d’élevage.

Cette biodiversité, hélas, a été particulièrement abimée par la pollution et la pression démographique qui accompagnent l’urbanisation massive du territoire.

Certaines espèces, comme les coquillages fouisseurs présents en grand nombre à l’état naturel, ont en partie ou totalement disparu. La palourde, la clovisse, la « pichiline », mais aussi l’huître sauvage (plate), la moule de fond, le bibi (ver de pêche) font partie de ces espèces.

Sipunculus nudus dit Bibi
Sipunculus nudus dit Bibi ©xm

L’anguille, dont les stocks ont fortement diminué, malgré les pratiques protectives de pêche que les prud’homies se sont données, a fait l’objet de plans de gestion de la ressource, conçus par les professionnels eux-mêmes, pour permettre le maintient de l’activité.

Derrière la diversité des espèces, il y a aussi la diversité des métiers, des outils, des pratiques et des gestes, on peut même dire toute la culture des hommes et des femmes qui vivent de la lagune. Par exemple, pour pêcher la palourde, la clovisse ou le bibi, chaque pêcheur dans sa barque « laboure » le fond de l’étang, arc-bouté à une longue perche en bois de châtaignier à laquelle est emboîtée une sorte de herse (arseillère) avec de longues dents de métal afin d’extirper la palourde de sa gangue, ou avec des dents plus petites (clovissière) pour la clovisse.

genre de clovisse. © xm

Il y a aussi la pêche à la « boîte » plus insolite encore, où le pêcheur est allongé sur le fond de son « négafol » (petite nacelle), la tête dans une boîte ronde, dont le fond cerclé sur une vitre assure la visibilité pour capturer une à une les palourdes à l’aide d’un trident. Dans les années 80, avec ces méthodes de pêche ancestrale et sélective, 800 tonnes de palourdes en moyenne annuelle étaient encore pêchées, ce qui n’était pas si mal pour un produit de haute valeur ajoutée.

La perte de biodiversité a fait quasiment disparaitre ces pratiques de pêche que l’on pourrait aujourd’hui qualifier de pêche durable, qui a fait vivre des milliers de familles durant plusieurs décennies.

A l’heure où la notion de terroir redevient un marqueur, je pense au riz aux clovisses, aux pâtes aux palourdes, ou bien encore au court-bouillon d’anguilles, dégustés sur les bords de l’étang de Thau. C’est peu de choses, peut-être un patrimoine culinaire, mais il pourrait attirer l’attention, faire comprendre que la protection de la ressource et du milieu ne peut se faire sans un environnement protégé, respecté et apaisé.

tentative de palourde. ©xm
tentative de palourde. © xm

Il faut poursuivre ce qui est engagé pour l’assainissement afin de garantir durablement la qualité des eaux littorales et des lagunes, il faut surtout arrêter d’urbaniser.

Autour du SAGE, (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux) la réflexion est menée sur la qualité du milieu naturel mais aucun programme sérieux n’est engagé pour retrouver toute la biodiversité de l’étang de Thau. Pour comprendre et reconquérir, il est nécessaire d’engager des études et un vrai programme de recherche sur chaque espèce et son milieu. Une eau peut être jugée bactériologiquement correcte sans pour autant permettre la subsistance d’une espèce fragile si son équilibre est modifié par ailleurs. De plus, une eau saine en surface ne dit rien d’éventuels métaux lourds stockés dans les fonds sédimenteux.

Pour comprendre et reconquérir cette biodiversité, il est nécessaire d’engager les études et un vrai programme de recherche sur le milieu et les espèces.

Nous avons les outils pour cela, avec IFREMER sur le Lido, la station biologique de la Plagette, l’IUT de chimie sur les Salins et le lycée maritime au Barrou..

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