La petite table rouge comme un phare, dans la tempête

Octobre 2022. Émergeant des barrières métalliques, les arbres, ivres de vigueur, sont encore en place sur la place dépecée, de jour en jour. Faire place rase ! Kiosque, manège, fontaine tout y passe comme après une bataille où l’ennemi est à terre. Et pourtant, la justice a prononcé la suspension de la déplantation de 57 arbres, pour non respect de la procédure par la mairie. C’est un sursis dans l’attente de la décision du Préfet, dérogation mortifère ou non. Les fosses, elles sont prêtes, creusées l’an dernier lors d’un premier coup de force de la mairie, stoppé par le Collectif Bancs Publics.

Seule touche de vie, sur l’esplanade désormais encerclée, le frémissement verdoyant des tilleuls argentés sous le regard, jour et nuit, d’une société de surveillance payée avec de l’argent public.

Bien sûr, ce n’est pas la guerre et aucun des protagonistes, mairie et collectif, ne va perdre la vie dans cette bataille. Si ce n’est les vieilles personnes, dont le temps est compté et dont l’unique lieu de sociabilité et de verdure dans l’en dehors est aujourd’hui « barrièré », interdit, dénaturé, détruit, saccagé.

Leur vie va en être gravement altérée. Pour certain.e.s ce sera tout simplement la brutale coupure avec toute leur histoire et ce qui faisait, hier encore, leur vie quotidienne. Pour d’autres, ce sera la réorganisation d’un emploi du temps, archi connu, encore maîtrisé, bousculé. Pour d’autres encore, les 4 murs de l’appartement et la télé pour horizon. Une violence inouïe jamais prise en compte par les aménageurs, friands de « modernité », de profits financiers et de pouvoir.

Que pèse la fin de vie des vieilles personnes quand on se croit les « maîtres » du monde, présent et à venir, alors qu’ils n’en sont que les fossoyeurs.

La lutte continue autour de notre place isolée, tel un camp retranché, où sont commis tous les méfaits. La circulation dans rues avoisinantes et le va-et-vient entre les halles et la médiathèque s’en trouvent perturbés. Unique point de repaire, solide et fière, la Petite Table Rouge brille comme un phare dans la tempête. Devenue port d’attache, agora, lieu d’info, c’est un brasero dont on entretient la flamme. Il fait bon venir y prendre les dernières infos, se donner des nouvelles, réchauffer nos espoirs et consoler nos peines. La résistance se construit, là aussi, à même la rue.

Nos Arbres sont encore là, vertes sentinelles d’un possible futur à partager.

Nous ne nous laisserons pas abattre, disent les arbres. Nous, Collectif, ne les laisserons pas (déplanter). Cet Euphémisme employé par la mairie comme le montre la série de panneaux, non contractuels, où la nouvelle place revêtue de ses plus beaux atours aux multiples rangées de nouveaux sujets (arbres) est sillonnée par des personnes, calibrées et proprettes. Le new kiosque, n’est pas Le Kiosque, 100 ans d’histoire réduit à un misérable tas de pierres. Tous ces panneaux, tape à l’œil, omettant, presque, de montrer les  314 « bagnoles » et leur caveau, pour lesquelles tous ces outrages sont commis. 

Enfumage absolu que toute cette com, qui n’est que propagande à l’usage et aux profits de ceux qui nous administrent. Résistance !