Bancs publics, la place, on en est où ?

Voici l’état des lieux de la situation, tel que synthétisé dans le dernier communiqué de Bancs Publics


Décryptage des derniers développements judiciaires

  • Recours en Conseil d’Etat Bancs Publics s’est pourvu en cassation contre l’ordonnance du TA du 26 janvier 2023 par laquelle la suspension de l’arrachage des arbres et celle du permis de construire ont été levées par la juge, au vu de l’arrêté du préfet du 21/12/2022, autorisant la déplantation des arbres. Pourvoi en cassation contre cette ordonnance a été déposé le 27 février dernier par notre avocate au Conseil d’Etat, Me Waquet. Principaux arguments : l’ordonnance doit être annulée car l’arrêté préfectoral est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. D’une part, le préfet s’est prononcé sur un dossier de demande incomplet (la mairie et SPLBT ayant fondé leur demande sur l’aménagement de la place, sans mentionner le parking), d’autre part, les mesures de compensation exigées par la loi pour toute atteinte à un arbre d’alignement ne sont, en l’espèce, ni appropriées, ni suffisantes. Le recours en Conseil d’Etat n’étant pas suspensif, la mairie, s’appuyant sur l’ordonnance du 26 janvier dernier, a donc pu faire procéder à l’arrachage des tilleuls, et préparer les travaux.

Ce recours contre l’ordonnance du TA du 26 janvier 2023 est actuellement à l’étude, et nous saurons très bientôt s’il est jugé recevable. 

  • Jugement au fond plusieurs recours en annulation ont été engagés depuis l’automne 2022 (permis de construire le parking, permis démolition-reconstruction kiosque, arrêté préfet déplantation des arbres notamment) mais ces procédures pourraient, selon notre avocate, être jointes, le tribunal ayant déjà relevé que les dossiers habilement saucissonnés par la mairie ne forment qu’une seule et même affaire. Nous n’avons à ce jour aucune visibilité sur une date d’audience, en raison de l’encombrement du rôle. Le jugement au fond doit permettre d’examiner l’ensemble des arguments de fond soulevés, et non plus seulement des questions de procédure. 
  • Référé préventif ce référé a été demandé le 21 février, au nom de nombreux riverains et avec l’appui de BP, par notre avocate, Me Gaëlle d’Albenas. Dans son assignation, celle-ci a demandé au juge de nommer un expert, la mairie et la SPLBT n’ayant pas pris la peine, alors que cela relève de leur responsabilité, de faire vérifier l’impact, sur les habitations, de travaux aussi massifs et complexes. Par ordonnance du 17 mars dernier[1], le TA a fait droit à cette demande, et a désigné un expert judiciaire, indépendant de toutes les parties, avec des missions étenduesCe référé n’est pas suspensif, mais comme son nom l’indique, il doit permettre une expertise des immeubles avant même que les travaux ne démarrent. Aux termes du dispositif fixé par l’ordonnance, l’expert doit
  • Prendre connaissance du projet de parking, et donc se faire communiquer tous documents lui permettant d’en apprécier la nature, l’ampleur, les développements, le calendrier, l’impact sur les immeubles environnants
  • Visiter chacun des immeubles qui bordent ou avoisinent la place (et non pas seulement ceux où habitent les requérants), constater et décrire avec précision leur état
  • Déterminer les causes et l’étendue des dommages susceptibles de survenir dans les immeubles, au cours des travaux. Cette mention laisse entendre que la mission de l’expert se poursuivra durant les travaux.
  • Indiquer la consistance, le coût et la durée probable de réalisation de travaux particuliers ou de mesures de sauvegarde si l’état des immeubles le nécessite, et pour éviter l’aggravation de cet état, apprécier le caractère d’urgence de ces travaux s’il y a lieu, et évaluer la dangerosité éventuelle de l’état des immeubles 
  • Entendre tous sachants (ie des personnes dotées de compétences utiles à sa mission), se faire communiquer tous documents et renseignements, faire toutes constatations et vérifications propres à éclairer le tribunal 

A noter :

A la différence d’un huissier dont le constat n’est qu’une simple photographie, à un instant T, et non une expertise des bâtiments, et dont l’indépendance vis-à-vis du mandant n’est pas garantie, l’indépendance et l’impartialité de l’expert judiciaire ne peuvent être mises en doute. C’est une garantie essentielle, au regard des droits et des intérêts des riverains, qu’ils soient requérants ou non requérants. L’expert judiciaire doit d’ailleurs prêter serment (par écrit, déposé au greffe et joint au dossier) et s’engager à «accomplir sa mission avec conscience, objectivité, impartialité et diligence (art R 621-3). 

Cette mission est étroitement contrôlée par le tribunal ; pour prévenir tout conflit d’intérêt, l’expert doit, en outre, déclarer tout lien avec l’affaire au président du TA qui apprécie s’il y a empêchement (art R621-5). Enfin l’huissier n’est pas un professionnel, à la différence de l’expert –il s’agit ici d’un architecte, Marc Dhauteville- qui sera amené à évaluer et donner son avis sur les techniques de sondage et de construction envisagées. 

Autre garantie importante, apportée par l’expertise judiciaire : l’expert peut prescrire des mesures provisoires, et en apprécie l’opportunité, s’il estime qu’il existe un risque sérieux (sondages sols, et présence d’eau notamment) pour l’état des bâtiments. Il en informe le président du TA. Il peut aussi demander l’intervention d’un sapiteur, afin de s’adjoindre un savoir technique d’un autre domaine que le sien (par ex, en l’espèce, un hydrogéologue), en en demandant la nomination au président du TA (art R 621-2). 

A la différence du constat d’huissier qui est univoque et unilatéral, la procédure d’expertise est contradictoire, toutes les parties seront donc entendues par l’expert judiciaire et l’état des lieux des immeubles doit être fait en présence de toutes les parties concernées. Celles-ci (riverains, SPLBT, commune, architecte, entreprise) sont informées, par courrier RAR, (4 jours à l’avance au moins) de la date de venue de l’expert.

Les riverains peuvent soulever toutes sortes de questions quant à l’impact des travaux sur leur bien, leurs observations (de même que celles du maître d’ouvrage) sont consignées dans le rapport de l’expert (art R621-7) qui devra être remis au TA « dans les meilleurs délais ». Comme indiqué par l’ordonnance, chaque riverain recevra copie du passage relatif à son bien. La mairie et la SPLBT reçoivent l’intégralité du rapport d’expertise, et sont invitées à formuler leurs observations sous 1 mois (art R 621-9)

L’expert se fait communiquer tout document utile à sa mission, et ceci sans délai. Tout retard ou défaut de transmission donne lieu à signalement auprès du président du TA qui ordonne la production de ces documents, éventuellement sous astreinte (art R 621-7-1). 

Si nécessaire, pour un bon déroulement des opérations d’expertise, le président du TA peut convoquer les parties ainsi que l’expert pour examiner, « à l’exclusion de tout point touchant au fond de l’expertise », d’éventuels problèmes liés aux délais d’exécution, aux communications de pièces, au versement d’allocations provisionnelles (art R 621-8-1)

Il est enfin possible que le président du TA décide de convoquer toutes les parties à une audience au cours de laquelle l’expert pourra fournir toutes explications complémentaires utiles et notamment se prononcer sur les observations recueillies (art R 621-10). L’ordonnance ne le mentionne pas, mais des difficultés mises au jour par l’expertise pourraient le justifier. 

[1]Contre laquelle la mairie et SPLBT peuvent faire appel dans un délai de 15 jours à compter du 17 mars