Le monde en face 

Les photographies de Gilles Favier sont pour la première fois à l’affiche du Centre photographique documentaire ImageSingulières, qui ferme définitivement ses portes fin décembre.

On connaissait Gilles Favier, directeur artistique du festival de photographie ImageSingulières. On le découvre photographe. Une vraie bonne surprise, celui-ci ayant, d’après sa femme Valérie Laquittant, directrice d’ImageSingulières, toujours refusé de montrer son travail à Sète. Alors pourquoi aujourd’hui ? « Parce que c’était très important de pouvoir partager cela avec vous avant que nous fermions », a-t-elle expliqué le jour de l’inauguration.

Il y a là un choix de ses photographies couvrant une période allant de la fin des années 70 à aujourd’hui. « Pour moi, l’histoire a débuté en1978, explique-t-il. Je  suis alors en rupture de ban à Toulouse et j’entends parler par un ami d’une dompteuse qui vit seule dans la forêt avec une dizaine de lions. J’ai décidé de m’installer à côté et nourrit les lions pendant plusieurs mois ». Jusqu’à ce que le perroquet de la dame meure. Un vrai drame pour cette « folle dingue » d’animaux qui demande alors à Gilles Favier de prendre des photos du volatile. Dès lors, elle lui laisse carte blanche et il documente la vie de la dompteuse pendant plus d’un an. Une histoire plus qu’improbable, qui est pourtant dit-il, le « détonateur de sa carrière ». Elle le conduit jusqu’à Paris où il présente en 1981 son travail à Christian Caujolle, photographe, journaliste et fondateur de l’agence Vu, alors rédacteur en chef chargé de la photographie à Libération. Celui-ci décide de le publier sur 5 pages et commence à l’envoyer sur tous les points chauds de la planète. Dès lors, Gilles Favier travaille pour la presse et documente en parallèle des sujets au long cours. une période dont il se souvient bien mais qui ne sont d’après lui, pas forcément très marquante côté photographie. « Dans les années 80, je voyageais beaucoup mais peu d’images restent, explique -t-il non sans humour, devant la photo plutôt anodine en effet d’une femme dont le cartel nous apprend qu’elle appartenait au fameux KGB russe. « Comme vous pouvez voir la photo n’est pas terrible, mais c’est la seule qui a été publiée, alors que j’avais passé un mois à Moscou. Tout cela pour vous dire comment fonctionne la presse ». Puis dans les années 90, Gilles Favier décide de passer au format carré. « C’est un gros appareil pas pratique qui a l’avantage de faire des images beaucoup  plus frontales, explique-t-il. Cela correspondait bien à ce que j’avais envie de faire. Ce qui se passe dans ma vie a toujours déteint sur mes photos,  avec toujours une dimension assez sociale » ajoute-t-il. D’où par exemple un travail sur L’Europe, pleine de promesses à l’époque. Il se questionne également sur ce qu’est la population française, ce qui l’amène à  passer plus d’un an dans une cité difficile de Marseille avec une bourse du Ministère de la culture. Cette période, a dit-il beaucoup influé sur son parcours et l’a amené à travailler avec Mathieu Kassovitz sur le docu-fiction « la Haine ». Depuis 2005, il profite aussi de ses voyages pour séjourner dans des hôtels borgnes où il fait venir des gens abordés dans la rue qu’ils photographient. Autant de sujets à voir au centre documentaire ImageSingulières jusqu’au 22 décembre 2023.