Le label « sobriété foncière » obtenu par la ville interpelle.
Une conférence de presse des élu.es du groupe «ensemble pour Sète » s’est tenue samedi 20 mars. Véronique Calueba, Laurent Herce et Madeleine Estryn-Behar ont tenu à apporter des précisions sur ce label et la communication de la mairie sur celui-ci.
« Label sur un constat d’échec, open bar pour les promoteurs, plus aucun foncier disponible pour les générations futures, urbanisme des années 80, construction sur sols pollués et environnement bruyant, opération de communication, supercherie,… », retrouvez ci-dessous tous les éléments fournis par les élu.es de «ensemble pour Sète ».
Véronique Calueba
Le label Sobriété Foncière : un paravent ?
Le dispositif Sobriété Foncière (SF) est lié au label Action Cœur de Ville (ACV). Ce premier label a été attribué par l’état aux villes dont le centre ville était en déshérence. L’État a entériné un constat d’abandon pour attribuer des aides en termes de pilotage et de financements. Le label ACV donnait comme objectifs : redynamiser les centres villes, réhabiliter l’habitat ancien, améliorer l’accessibilité et les mobilités, mettre en valeur les espaces publics et favoriser l’accès aux équipements publics.
L’urbanisme dans cette ville a consisté pendant 20 ans en une urbanisation sauvage de tous les quartiers périphériques : de la Corniche au boulevard Verdun/Blanc c’est open bar pour les promoteurs. Plus aucun foncier disponible pour les générations futures et pas de réhabilitation ni sauvegarde de jardins publics. Le dernier grand jardin (8000m2) proche du centre ville était celui du Carmel qui a été détruit au profit de la promotion immobilière avec le soutien indirect de la mairie. Nous ne laisserons aucun espace foncier disponible pour les générations futures. Jusqu’à la friche de l’entrée EST qui va être urbanisée uniquement en logements alors que les textes de la sobriété foncière parlent de dépollution et réhabilitation des friches pour de nouvelles activités comme des espaces publics de loisirs, d’artisanat, sportifs, etc…
À Sète on donne les clefs aux promoteurs !
La labellisation « sobriété foncière » est le même constat de déshérence et de besoin de pilotage quant à l’aménagement et aux choix d’urbanisme. Notre territoire ne se tourne pas vers une vraie transition écologique pour anticiper un avenir impacté par le réchauffement climatique. Rien de glorieux pour monsieur le maire dans l’obtention de ce label. L’intérêt c’est d’obtenir de l’État une aide au pilotage des actions, une aide financière sur la Maîtrise d’Ouvrage.
Nous nous interrogeons sur la notion même de sobriété foncière telle que déclinée dans le texte. Est-ce une transformation réelle des choix d’urbanisme ou une justification écologique de l’urbanisation forcenée actuellement menée ? Un label écolo pour une ville qui ne l’est pas ?
Pour nous, la sobriété c’est revenir vers l’essentiel, un allègement, une aération de nos espaces de vie. C’est du logement pour tous, pour ceux qui en ont besoin et pas des logements secondaires comme on peut le voir à l’œuvre dans le quartier des Salins où les volets restent fermés 10 mois sur 12. Aérer la ville ce n’est pas construire des parkings, même souterrains, en centre ville et donc attirer les voitures et avoir des bouchons, ce n’est pas construire une salle Brassens à la place d’un parking extérieur pour boucher encore l’espace ? C’est un vrai projet de multiples espaces verts, de reconstructions harmonieuses sur l’ancien.
Nous ne sommes pas MODERNES
Nous subissons encore un urbanisme daté des années 80, comme celui mis en œuvre dans les stations balnéaires espagnoles qui défigure une ville. Le label Sobriété foncière pourrait être intéressant s’il avait beaucoup plus d’exigences. J’ai peur qu’il ne soit qu’un paravent vert pâle !
Laurent Hercé
Sobriété Foncière : Attention à la supercherie
La ville de Sète et son agglomération sont retenues comme « Territoire Pilote de Sobriété Foncière”. La mairie s’en vante partout, y compris sur la nouvelle couverture du magazine de l’Agglo. Sobriété Foncière, les termes semblent indiquer une prise de conscience écologique. Ce dispositif vise officiellement à lutter contre l’étalement urbain et à répondre aux enjeux climatiques, environnementaux, sociaux et sanitaires actuels en encourageant une ville « sobre, résiliente et inclusive ».
Pourtant 5 grossières supercheries se cachent derrière ce dispositif, et il faut les dénoncer clairement.
Cette manipulation, facilitée par le gouvernement à l’origine du dispositif, est reprise par la mairie de Sète qui l’utilise pour masquer sa politique depuis 20 ans : bétonner, encore et toujours.
Un dispositif qui valide tout, et n’interdit rien
Lancé par le ministère de l’écologie, dans la foulée de la Convention Citoyenne* pour le Climat, ce dispositif flou est un merveilleux instrument d’écoblanchiment qui donne une image d’implication écologique trompeuse.
Dans « 1984 » George Orwell dénonçait la novlangue « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage…». En 2020, à Sète, construire à tout-va c’est… de la sobriété foncière !
Cette rhétorique habile permet de transformer n’importe quel projet d’aménagement ou de construction en projet de “sobriété foncière”, donc soi-disant écologique.
En voici 5 exemples, 5 supercheries intellectuelles, constatés ici à Sète :
Sobriété foncière ou étalement urbain ?
Dans l’idéal, la sobriété foncière consiste à accroître l’offre de logements en rénovant les bâtiments anciens, sans recourir à des zones non bâties. Or à Sète, la mandature Commeinhes fait le contraire depuis 20 ans en renforçant l’étalement urbain par les chantiers de toutes les ZAC possibles (Triangle de Villeroy – Entrée Ouest, Entrée EST, Zac commerciale Balaruc, résidences diverses). Cela étant déjà en place, le dispositif de sobriété foncière va servir maintenant… à construire encore plus avec les subventions du gouvernement !
(Avez-vous vu l’annonce d’un chantier différé, modifié ou annulé ? Pas nous.)
Sobriété foncière ou destruction du patrimoine ancien ? Dans l’esprit, la sobriété foncière devrait s’attacher aussi à préserver des bâtiments anciens. Mais le dispositif permet de s’en affranchir. En laissant détruire le Carmel et ses arbres centenaires, par exemple. Le terrain étant préalablement construit, les constructions futures sont conformes au dispositif “Sobriété Foncière”. Un comble !
Sobriété foncière ou Assèchement des réserves foncières ?
Toujours dans l’esprit de Sobriété, un objectif sous-jacent doit être de construire moins et de préserver des réserves foncières. Pour de futurs espaces verts ou aménagements. Ce n’est pas du tout le cas. La mairie a utilisé tout le foncier disponible à l’entrée OUEST, et a déjà commencé les travaux pour faire de même sur la totalité de l’entrée EST. En effet, construire des dizaines d’immeubles sur des hectares de friches industrielles plutôt que d’y préserver des options d’aménagements durables est considéré comme… de la sobriété foncière ! Magique !
Sobriété foncière ou construction d’architectures concentrationnaires ?
Où sont les préconisations architecturales liées au dispositif de “sobriété foncière” ? Existent-elles ? Il semble que non. Dès lors que vous utilisez des terrains préalablement bâtis ou en friche… vous êtes estampillé “sobriété foncière”. Vous pouvez ainsi construire des tours de 16 étages et des barres d’immeubles à l’infini.
Et la SOLIDARITÉ foncière ?
Chaque habitant, chaque quartier, doit voir sa qualité de vie améliorée. Ce ne sera pas le cas. Rien n’empêche, par exemple, de construire un nouveau cube de béton dans un quartier déjà défavorisé, et de compenser avec un espace vert dans un autre quartier déjà favorisé (et qui vote pour vous). Rien ne semble l’interdire dans le dispositif. Une aubaine pour le clientélisme.
Madeleine Estryn-Behar
Depuis quand avoir augmenté d’un quart environ la superficie construite de la ville s’appelle « Sobriété foncière » ?
Nous lisons dans le dernier bloc-notes du maire du journal Sete.fr que Sète est « récompensée pour son mode de développement qui limite la consommation foncière et préserve ainsi l’environnement ». Il est aussi écrit que « sont ainsi reconnus nos efforts menés depuis des années pour réduire la consommation d’espaces ».
Mais, il suffit de regarder la carte des 7 quartiers de Sète pour constater que le quartier « Littoral » a été doublé par la création de Villeroy et ses Salins et que le quartier « Canal entre deux mers » sera plus que doublé par la construction des 1800 logements de l’entrée Est secteur sud. C’est au moins une extension d’un quart de la superficie de la ville sur des zones humides à protéger pour l’entrée Ouest et sur une zone polluée pour l’entrée Est (pollution de l’air, des sols et pollutions sonores).
Concernant l’entrée Est, utiliser des friches industrielles polluées pour réaliser des espaces verts, des bâtiments universitaires, industriels ou des gymnases aurait été intéressant, mais les utiliser pour des habitations présente des risques non négligeables pour les futur·es habitant·es. Je reprends ici l’intervention que j’avais faite au Conseil municipal du 14 sept 2020, avec certaines réactualisations.
Pollution de l’air
La semaine prochaine, le parlement européen débattra de la révision des normes de qualité de l’air. Ce qui sera décidé pourrait changer radicalement la donne pour l’air que nos enfants et nous-mêmes respirons. Il y a 10 ans les seuils d’alerte ont été fixés à des niveaux bien plus élevés que ceux préconisés par les données scientifiques. Or la qualité de l’air déjà qualifiée de moyenne à dégradée lors de l’enquête préalable au début du chantier (p. 19 de la synthèse de la MRAe-DREAL de l’étude d’impact) devrait encore être soumise à une dégradation du fait de l’augmentation du trafic routier liée aux 1800 logements et aux nouveaux parkings en centre-ville. Les nouvelles normes de qualité de l’air ne pourront qu’être dépassées.
Pollution des sols
Les pollutions des sols liées aux anciennes et actuelles activités industrielles sont incomplètement connues. Il sera mis en place un confinement sur site des déblais non inertes. Sur plusieurs parcelles, le recouvrement des pollutions des sols par une couche de 30 cm ou 50 cm de terre saine ne suffit pas.
Ce confinement des pollutions des sols reste préoccupant, comme le montre le programme lui-même : la plantation d’arbres fruitiers ne sera pas acceptée, la surveillance et l’entretien régulier des réseaux d’eaux usées et d’eaux pluviales sera nécessaire pour limiter les risques de fuite vers les sols, la mise en place du réseau d’eau potable se fera dans une tranchée garnie de sable propre afin d’empêcher tout contact avec le sol en place, la rehausse de la cote plancher des locaux d’activité à 2,4m, l’aménagement de l’ensemble des logements à partir du R+2, pas d’implantation d’établissements sensibles sur la ZAC Est rive Sud (pas de crèche, pas d’hôpital, pas d’école). Or le rapport d’activité du CCAS constate un fort déficit en places pour la petite enfance (36,3 places pour 100 enfants contre 56 places pour 100 enfants en France).
L’ambiance sonore
Les façades donnant sur l’avenue Gilbert Martelli présentent des niveaux de bruit en façade supérieurs à 65 dBA en période diurne et/ou supérieurs à 60 dBA en période nocturne.
Dans des recommandations publiées mercredi 10 octobre 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) propose des seuils sonores à ne pas dépasser.
C’est une pollution dont les effets sur la santé ne sont plus à démontrer : facteur de stress et de troubles du sommeil, le bruit serait responsable de maladies cardiovasculaires, d’hypertension, de stress, de dépression et d’obésité. La branche européenne de l’OMS édicte des seuils sanitaires qu’il serait conseillé de ne pas dépasser. Au terme d’une analyse de la littérature scientifique, les experts de l’OMS recommandent ainsi un seuil pour l’exposition moyenne de 53 décibels (dB) et un seuil de nuit de 45 dB pour le trafic automobile. Pour le trafic ferroviaire, ces valeurs sont respectivement fixées à 54 et 44 dB.
La réponse, envisagée par des menuiseries équipées de double vitrage acoustique de type 4/16/10 ainsi que par des entrées d’air acoustiques adaptées, implique de vivre fenêtres fermées. Est-ce ainsi que les habitant·es veulent vivre ? Soulignons que les périodes chaudes qui vont augmenter ainsi que les risques de pandémies telles que la COVID19 obligent à ouvrir grand les fenêtres.
En revanche, le processus de rénovation urbaine est de fait extrêmement lent
L’opération Cœur de ville, confiée à la SA Elit, avec les moyens importants mobilisés par les partenaires pour favoriser sa réussite, la résorption de l’habitat indigne et des logements vides prendra plusieurs dizaines d’années au rythme actuel.
La redynamisation des centres-villes sur les différentes thématiques a théoriquement 5 axes :
– Axe 1 : De la réhabilitation à la restructuration, vers une offre attractive de l’habitat en centre-ville ;
– Axe 2 : Favoriser un développement économique et commercial équilibré ;
– Axe 3 : Développer l’accessibilité, la mobilité et les connexions ;
– Axe 4 : Mettre en valeur les formes urbaines, l’espace public et le patrimoine ;
– Axe 5 : Développer et favoriser l’accès aux équipements, aux services publics, à l’offre culturelle et de loisirs.
Or, alors que la part du logement ancien (construit avant 1948) est très importante (8 160 logements) et que le taux moyen de vacance est de 16% soit 1305 logements vides, le rythme de rénovation du cœur de ville depuis 2008 est celui-ci :
146 logements sur les 178 prévus dans l’opération PRI ILE SUD entre 2008 et 2019
69 logements sur les 263 prévus dans l’opération PNRQAD centre-ville
Et sont à venir : uniquement 128 logements dans le projet PNRQAD sur plusieurs années.
Le budget Opération cœur de ville est en fait utilisé pour rénover la façade de la Mairie et pour le Parking Stalingrad. De plus a été voté un avenant pour la mise en œuvre d’un projet Smart city fin 2019 avec mise en œuvre par « ENGIE solutions » dès 2021.
À l’inverse le foncier disponible en ville a été totalement utilisé par les promoteurs qui ont eu les coudées franches. Comme l’a détaillé Laurent Hercé, de nombreux espaces verts en ville ont été détruits pour construire des immeubles, dont les balcons vont parfois jusque sur la route elle-même (ex : immeuble Belles passantes), et toute construction de bâtiment public, qui pourrait s’avérer nécessaire, devient impossible.