Ou comment les différentes vagues d’immigration liées à la pêche ont contribué à cet alliage unique qui forge l’identité et la culture sétoises.
Si la création du port de Sète, voulue par Louis XIV, a vu débarquer les tailleurs de pierre des Cévennes pour la construction du Môle et des quais, ce sont les suisses présents déjà à Montpellier qui se sont installés à Sète pour le négoce, dans les années 50, avec une flotte de navires reconnaissables à leurs hautes cheminées ornées d’une croix blanche sur fond rouge.
Pendant des années, Sète a été le port de la Suisse en Méditerranée. Mais c’est vraiment avec le développement de la pêche, que Sète a vu s’accroitre le flux migratoire identitaire de notre civilisation méditerranéenne, les peuples de la mer.
De Cetara, de Gaëtta, de Naples, de Sorente, de Calabre, souvent chassés par la misère, marins, pêcheurs, portuaires, ouvriers du sel (paludiers), ces hommes de mer du sud de l’Italie, sont venus travailler et petit à petit se sont installés sur tout le littoral, et à Sète en particulier, armant les bateaux-bœufs, ancêtres de nos chalutiers ou tractant le filet à deux bateaux : à la voile d’abord, puis au moteur.
C’est la pêche à la sardine, après la 2ème guerre mondiale, qui a enclenché une vague massive d’immigration sur plusieurs décennies de familles italiennes et, dans une moindre mesure catalanes. Forts d’une grande expérience, plusieurs centaines de marins italiens sont venus travailler et s’installer avec leur famille, venant grossir les quartiers de notre ville (le Quartier Haut, la Perrière, la Consigne sont de ceux-là). Des usines de sardines, installées quai des moulins, employaient essentiellement des femmes, ces mêmes femmes qui seront le fer de lance des luttes sociales à Sète comme en Bretagne.
L’indépendance de la Tunisie a conduit, dans les années 50, les premiers chalutiers tunisiens jusqu’au port de Sète. L’Aurore, le Tarzan, etc… avec leurs coques fines, élégantes d’apparence, plus voiliers que chalutiers, suivis dans le début des années soixante avec la fin de la guerre d’Algérie, des chaluts « pieds noirs » de Mostaganem, d’Oran, d’Alger, plus gros que les locaux avec des pêcheurs porteurs de nouvelles techniques (les premiers chaluts pélagiques en pleine eau à grandes ouvertures) et une expérience de pêche permettant de chaluter sur les fonds marins au-delà du plateau (les fosses).
Sète, dans les années 60 et 70 est devenue un des premiers ports sardiniers de France.
Durant cette période une autre vague migratoire saisonnière de la région d’Almeria en Espagne est venue enrichir un brassage de langue, de cultures, d’odeurs culinaires, tous ces marins méditerranéens étant tous fins pêcheurs. Ils sont à l’origine de la « lampare » mot magique pour désigner la technique de pêche à la lampe, qui croise un filet droit (sardinal) pour emmailler les sardines, ou le « lamparo » pour fixer la boule de poissons afin de la cerner ensuite dans la senne.
La pêche au thon, avec des navires de plus en plus bourrés d’électronique, a muté d’une pêche littorale à une pêche extensive sur toute la méditerranée, mais toujours saisonnière et encadrée aujourd’hui par des quotas européens.
Cette évolution dans la pêche au thon rouge a vu se développer une nouvelle vague migratoire de pêcheurs marocains, sénégalais et d’autre pays d’Afrique, qui sont venus mêler leurs savoir-faire et leurs cultures.
La palabre autour de l’eau sel dégustée vite fait à bord avant la montée du prochain « trait » (baoü en sétois) à bord des chaluts, la grasiade de sardines sur le quai, après avoir débarqué la pêche de la nuit, la macaronade du dimanche chez la « mama », la bouille à la baraquette, ou la tielle au Brise lames, ce sont toujours des moments de vie privilégiés où se déguste le partage, où se mêlent les couleurs, les saveurs, les odeurs venues des rivages de toute la Méditerranée.
Autour des métiers de la pêche, au fil du temps, Sète s’est forgée une identité. Terre de brassage et de métissage sans équivalent, elle est le berceau d’une passion commune, un aggloméré de cultures, qui a fait naître une profusion d’artistes dont la créativité puise dans cette Histoire.
A l’heure où l’immigration agitée comme un chiffon sale, sert d’exutoire à toutes les haines, l’histoire du port de pêche de Sète est porteuse d’avenir si on se donne les moyens d’en découvrir les racines et de s’en imprégner sans modération !