Vous voulez des vélos, vous aurez un parking

Ohé les bobos sétois, fraîchement débarqués sur l’île singulière, vous êtes venus retrouver la carte postale d’un Sète sans autos… et vous voulez circuler à vélo dans la ville… Soyez contents, votre Maire a trouvé la solution, il a décidé d’enterrer les bagnoles scotchées sur les quais.

Brandi comme principal argument pour justifier le projet de parking place Aristide Briand, le développement des modes doux, marche et vélo, serait désormais l’ambition de la ville.
Plus c’est gros, plus ça passe doit penser le Maire qui n’est pas à un paradoxe et une hypocrisie près. Petit retour en arrière nécessaire pour mesurer la volonté de cette équipe municipale en matière de modes doux.
Vous avez dit « modes doux » ?
Qui se rappelle qu’en 2012, lors de l’élaboration du Plan local d’urbanisme, la ville a adopté un « schéma des modes doux » ? Celui-ci préconisait notamment la mise en zone piétonne d’une partie significative du centre ville, la création de liaisons cyclables. Encore consultable sur le site de la Ville (onglet urbanisme), ce schéma des modes doux, qui a désormais 10 ans d’âge, n’a pas connu l’amorce d’une mise en œuvre.
Certes, la rue Alsace Lorraine a été rendue aux piétons. Certes, la Corniche de Neuburg a été aménagée et le Pont de l’Avenir réalisé pour permettre aux cyclistes de se rendre à la plage.
Mais circuler dans la ville à vélo reste toujours aussi dangereux et compliqué.
En témoigne le Baromètre des villes cyclables qui jugeait en 2019 le climat vélo à Sète « très défavorable » et persiste à considérer en 2021 qu’il est « plutôt défavorable ». Une très légère progression en grande partie due aux maigres améliorations arrachées à la ville entre ces deux périodes.


Le Maire qui prétend aujourd’hui rouler pour les modes doux n’a pas jugé utile d’appliquer la loi lorsqu’il décide en 2018 de créer une zone 30 en centre-ville. Il a fallu qu’une association de cyclistes forme un recours auprès du tribunal administratif de Montpellier pour que le droit soit respecté. Le double-sens cyclable, de droit dans les rues limitées à 30 km/h, permet aux vélos d’emprunter à contre sens les rues à sens unique. Cela facilite grandement les déplacements en ville et évite d’inutiles détours. De plus, il est un facteur de ralentissement de la vitesse des automobiles.
C’est contrainte et forcée que la Ville a mis en place les double-sens cyclables.
Encore, a-t-il fallu, après le jugement condamnant la ville de Sète, que le Tribunal prenne une ordonnance d’exécution pour que la Ville se plie enfin aux exigences de la loi en posant les panneaux et les marquages au sol matérialisant les double-sens cyclables. Trois ans de procédures juridiques, de mai 2018 à février 2021, pour que ce Maire, qui se proclame aujourd’hui pro-vélo, accepte de mettre en œuvre une mesure favorable aux cyclistes.
Pourquoi appliquer le code de la rue ?

La mise en place de la zone 30 n’a été accompagnée d’aucune sensibilisation des automobilistes à cette évolution du « code de la rue » et des conditions de circulation en centre-ville.
Pire, l’adjoint au maire responsable de la voirie a persisté en déclarant : « on m’impose une réglementation nationale. Cette loi a été un peu nombriliste dans la périphérie du Palais Bourbon. On se retrouve avec des aberrations comme on le voit aujourd’hui avec des rues qui sont très étroites » (Vincent Sabatier dans le Midi Libre du 8 juillet 2021). Au-delà des relents d’anti-parlementarisme d’une telle déclaration, l’adjoint au Maire véhicule l’idée reçue selon laquelle plus la rue est étroite, plus c’est dangereux. Précisément, dans une rue étroite les automobilistes réduisent leur vitesse (c’est une zone 30), ce qui limite d’autant les risques d’accident avec les cyclistes qui arrivent en double-sens. Quelle que soit la largeur de la rue, le croisement d’une voiture et d’un vélo ne pose pas de vrai problème : quand on se rencontre, on se voit et chacun se range, comme le font un piéton croisant une poussette sur un trottoir étroit ou deux voitures sur une route de montagne.
De maigres acquis fragiles et précaires
Cette avancée unanimement appréciée des cyclistes reste fragile et précaire. Récemment, la municipalité n’a pas hésité à supprimer le double-sens de la rue Jean Vilar, pourtant fort pratique pour les habitants du Quartier Haut souhaitant rejoindre la Corniche à vélo. De même, celui de la rue Voltaire a été supprimé avec l’ouverture du parking Victor Hugo. La ville aime tellement les vélos qu’elle n’a pas hésité à retirer les arceaux vélos situés devant le cinéma Comœdia dans la rue du 11 novembre. Sans doute pour encourager les cinéphiles à venir à vélo… à moins que ce soit en prévision des travaux du parking destiné à développer les modes doux…
Des aménagements pour rire ou pour pleurer
Deux récents aménagements censés êtres cyclables illustrent la duplicité de la Ville qui prétend œuvrer pour les modes doux alors que ses objectifs sont bien autres.
Le premier aménagement est situé rue Denfert-Rochereau. Il consiste dans une voie cyclable en contre-sens matérialisée par un muret. Elle débouche sur le trottoir du quai Maillol laissant le cycliste sans solution pour traverser, ni continuité pour rejoindre le quai. Pour les cyclistes, cette piste isolée ne présente aucun intérêt, pour qu’elle soit cohérente il aurait fallu faire l’identique dans la rue Jules Vallès et la raccorder correctement au quai Maillol. À la vérité, l’objectif réel de cette opération n’est pas d’encourager les vélos, mais en supprimant les places de stationnement, de pousser les automobilistes à se garer dans le tout nouveau parking Victor Hugo, notoirement sous utilisé et qui souffre d’un déficit d’abonnement.
Le second aménagement qui fait sourire tous les cyclistes sétois, quand ils n’en pleurent pas de dépit, est celui de la rue des Canaris. Coincée entre son projet de créer un accès à la future « voie verte nord » le long de la voie ferrée et le refus obstiné des riverains pétitionnaires de se voir supprimer des places de stationnement devant leurs villas (toutes dotées de garage), la Ville a courageusement tranché en élaborant un parcours tordu qui s’apparente à un gymkhana impraticable. Piètre résultat qui s’explique avant tout par l’ignorance, voire le mépris, de cette municipalité à l’égard des cyclistes et de leur connaissance du terrain, doublé d’un refus obstiné de tout dialogue et de toute concertation.

La goutte de béton de trop
Qui pourrait encore croire que le projet de parking sous l’Esplanade vise au développement des modes doux ? Il est un projet de plus dans la bétonnisation à tout va poursuivie par le Maire depuis plusieurs mandats et qui s’est accélérée récemment (Bd de Verdun, Carmel, Belles Passantes, Chevallier de Clerville..). Il répond également à la recherche permanente de ressources financières nouvelles. Depuis janvier 2018, la gestion du stationnement payant a été transférée aux communes, une belle occasion d’investissement et une promesse de recettes futures. La même année 2018, la ville de Sète est retenue au programme Action Cœur de Ville. Excellent prétexte pour justifier trois projets de parkings en centre-ville, en pleine contradiction avec les objectifs du programme, tant ces projets auraient pour conséquence de dévitaliser le cœur de ville sous l’emprise grandissante de l’automobile.
Le Maire considère, probablement à juste titre, que l’essentiel de ses électeurs sont de farouches partisans de la voiture en ville. Il se moque bien des modes doux, sauf s’ils peuvent lui fournir un argument pour son projet de parking, avant tout destiné à rassurer ses partisans en leur faisant croire que leur mode de vie du siècle dernier est encore tenable.

Posture démagogique impardonnable à l’heure où les élus devraient être en première ligne pour opérer la transition nécessaire face à l’urgence climatique et sociale, dont les conséquences de la guerre en Ukraine viennent rappeler combien elle se fait pressante.