L’été dernier, à l’Atelier de l’Etoile, 122 Grande Rue Haute, à Sète, Mireille, Joël et Bernard (le propriétaire des lieux) ont organisé une vente d’oeuvres d’art pour aider à financer l’année scolaire de leur petite voisine, Esma, atteinte d’une maladie génétique rare. L’évènement « Une bonne idée pour Esma » restera gravé dans le quartier comme un sacré bel exemple de générosité et de solidarité sétoises.
Fin d’après-midi, les 3 septuagénaires nous racontent cette belle histoire, autour d’une tasse de thé et d’une boîte d’oursons de guimauve au chocolat.
L’Ancre : Les parents d’Esma m’ont dit que vous êtes responsables à part entière de cet évènement hors du commun. Ils m’ont assuré qu’ils n’y étaient pour rien.
Bernard et Joël : (sourires) C’est exact, les parents n’ont rien demandé. En fait, ça nous turlupinait cette histoire et on cherchait une idée, et puis l’idée est venue comme toujours au bout d’un moment quand on discute. On s’est dit: » Pourquoi on ferait pas une exposition avec les artistes du quartier? » D’abord, on pensait faire appel à 3, 4 amis, pour faire quelque chose d’un peu confidentiel, et puis, ça a été magique. D’abord l’article dans Midi Libre nous a bien aidé et puis, ça a fait tache d’huile, d’autres artistes qui n’étaient pas du quartier, des artistes qu’on ne connaissait pas, nous ont sollicités.
Mireille : C’est eux qui ont demandé s’ils pouvaient donner une oeuvre !
Joël : Donc, on a commencé à penser à repousser les murs parce qu’on avait trop d’oeuvres, quoi, presque.
La belle histoire
Dans le lieu prêté par Bernard, les 3 complices se retrouvent avec les oeuvres offertes par 90 artistes. Des centaines de sétoises, sétois et touristes visiteront l’exposition « Une bonne idée pour Esma » au cours de l’été et achèteront plus de 100 oeuvres pour un montant de 6555€.
Mireille : Pas mal pour une opération locale, en plein été. On a vite compris que les gens étaient dans la belle histoire. Bernard connaissait Esma et ses parents, moi je ne la connaissais pas. Je l’ai rencontrée sur le trottoir un soir où ses parents déchargeaient les courses devant chez eux. Cette enfant, on ne perçoit pas au premier abord qu’elle a une difficulté, on ne perçoit que son charme. Elle a une bienveillance, elle se lâche, elle dit les choses, on a été assez émerveillés, donc ça nous a boostés tous les 3. On a bossé tous les jours, pendant un mois, de 14h à 20h, on était là et je ne crois pas que ça nous ait pesé.
Bernard et Joël : Pas du tout, pas du tout. On était heureux.
Mireille : On était heureux, pour le brassage que ça apportait et on était heureux parce qu’on savait que ça allait aider quelqu’un, concrètement.
L’ancre : Quand Esma parle du vernissage, de ces moments là, elle parle de moments magiques, de fête…
Joël : Pareil pour nous. Et n’oublions pas Christophe, le fils de Bernard, qui m’a donné un sacré coup de main pour l’accrochage. On voulait un bel accrochage, mais avec autant d’oeuvres différentes, d’artistes différents…
Mireille : Les photographes Jeanne Davy et Serge Tribouillois avaient fait des portraits absolument magnifiques d’Esma et sa petite soeur Manolita. Si bien que les gens qui arrivaient étaient accueillis par les deux filles. On avait mis un livre d’or, pour Esma, en souvenir…
Intime conviction
Le soir du vernissage, les gens du quartier sont venus en nombre, mais pas seulement, il y avait aussi des commerçantes des Halles qui avaient tenus à contribuer, des gens de passages, des estivantes, des amis, Yolanda qui a réalisé le documentaire. Par ce bel évènement, Mireille, Bernard et Joël ont fédéré toutes sortes de personnes très différentes autour d’Esma et de sa famille.
Bernard : Le jour où j’ai porté une affiche chez Soro, (La boulangerie du quai de la Résistance), Valérie m’avait dit : Mais c’est quoi ça ? Je lui ai expliqué. Et le jour du vernissage, elle nous a fourni 4 plateaux de pizza.
Mireille : Il y a plein de gens , comme ça qui ont été d’une vraie générosité. C’était très touchant. On n’oubliera jamais. C’est une aventure dans laquelle on est rentrés par intime conviction, sans se dire, « Est ce qu’on a le budget, est ce qu’on arrivera au bout.. » On s’est dit « On y va et ça va marcher ».
Joël : On s’est donné plus de réponses que de questions..
Bernard : On ne savait pas où on allait, mais on y est allé. On ne savait pas que c’était impossible, et on l’a fait. (rires)
Mireille : J’ai appris une chose extraordinaire, c’est qu’on a un regard sur les enfants qui ont un problème, qui est un regard complètement faux. Et pourtant, j’ai été infirmière moi même, j’ai été enseignante. Mais les réactions d’Esma ont été très différentes de ce qu’on peut imaginer quand on croit qu’on sait. Elle a dit quelque chose à Bernard…
Bernard : Moi, j’ai ma fille qui est décédée au mois d’Aout, donc j’ai pris un coup sur la tête. Et Esma, le jour où elle l’a appris, elle m’a dit une phrase que je n’oublierai jamais. Elle m’a dit : « Je te souhaite un avenir sans chagrin ». Une gamine de 12 ans…
Mireille : Je me disais, mince, on est proches de Bernard, mais aucun d’entre nous n’a eu ces mots là. Esma n’a pas de barrières, elle est capable de dire ce qu’on ressent mais qu’on n’oserait pas dire. Moi, elle m’a appris une foule de choses.
La somme récoltée pendant ce mois d’Août à l’Atelier de l’Etoile permettra de couvrir un tiers du salaire des enseignants engagés pour l’année scolaire 2020-2021 d’Esma. C’est considérable.
Les étincelles qui brillent dans les yeux d’Esma et de ses anges gardiens, lorsqu’ils évoquent La Bonne Idée, n’ont, elles, pas de prix.